Travaux d’entretien différé ou transformation déguisée ? Le Tribunal fédéral tranche
Dans l’arrêt 1C_70/2024, le Tribunal fédéral rejette le recours de propriétaires contestant l’obligation d’obtenir une autorisation pour des travaux considérés comme de l’entretien différé.
A., B. et C., propriétaires d’un appartement à Genève, ont entrepris en 2016, après le départ du locataire, des travaux de peinture, menuiserie et réfection électrique, pour un montant de CHF 17'611.-. Le loyer annuel est alors passé de CHF 9'600.- à CHF 14'700.-.
En 2022, le Département du territoire genevois a estimé que ces travaux nécessitaient une autorisation au sens de la LDTR/GE, car ils constituaient une transformation déguisée. Il a imposé une réduction du loyer à son niveau antérieur, ordonné le remboursement du trop-perçu, soit CHF 14'950.-, et infligé une amende administrative de CHF 3'000.-.
Sur recours des propriétaires, le Tribunal administratif de première instance a annulé les décisions du Département au motif que les travaux réalisés en 2016 devaient être considérés comme de purs travaux d’entretien non soumis à autorisation. La Cour de justice a annulé ce jugement et rétabli les décisions du Département.
Les propriétaires ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal fédéral.
Le Tribunal fédéral rappelle que la LDTR/GE vise à préserver les logements existants et à éviter leur disparition au profit d’objets plus chers. Si les travaux d’entretien régulier échappent à l’autorisation, les travaux différés, regroupés à la faveur d’un changement de locataire, peuvent être assimilés à une transformation soumise à autorisation. En l’espèce, l’entretien réalisé pendant plus de dix ans est jugé insuffisant : seuls CHF 3'107.- ont été investis sur douze ans. Les travaux de 2016 représentent ainsi près de 90 fois l’investissement annuel moyen. Le regroupement de ces interventions, leur coût et leur ampleur, affectant la quasi-totalité de l’appartement, indiquent un défaut d’entretien courant.
Le Tribunal fédéral relève également que l’augmentation de loyer de 53 % constitue un indice sérieux d’un changement qualitatif du logement, même sans amélioration notable du confort. Cette hausse dépasse largement le seuil indicatif de 20 % proposé autrefois par une minorité du Grand Conseil. Il importe peu que les travaux n’aient coûté que 10 % de la valeur d’assurance de l’immeuble, ni qu’ils aient été motivés par le départ du locataire : ils restent significatifs au regard de la jurisprudence.
Notre Haute Cour souligne enfin que l’obligation de rembourser le loyer perçu en trop est conforme à l’objectif de la LDTR/GE de maintien des loyers abordables. La bonne foi invoquée par les propriétaires ne saurait être admise, la jurisprudence en matière d’entretien différé étant bien établie.
Article rédigé par Me Ludovic Jordan