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Récusation d'un Procureur (TF,7B_768/2024)

Récusation d'un Procureur (TF, 7B_768/2024)

A. fait l’objet d’une instruction pénale pour divers délits. Il est interpellé et, le jour même, le Procureur adresse au Tribunal des mesures de contrainte une demande de mise en détention provisoire.

L’acte comporte le passage suivant : "Qu'il existe un risque de fuite. Qu'en effet, le prévenu a vécu à une adresse clandestine même pour échapper à tout contrôle inopiné et donner l'apparence d'un train de vie modeste. Qu'il pourrait sans difficulté faire de même à l'étranger, où vit son frère ou dans les nombreux lieux où ce dernier aurait investi dans l'immobilier. Que les personnes de religion israélite disposent par ailleurs d'un droit au retour en Israël, un pays dans lequel l'entraide est difficile".

Quelques jours après sa mise en détention provisoire, A. demande la récusation de ce Procureur. La demande étant rejetée par la Chambre pénale de recours, A. forme recours auprès du Tribunal fédéral (ci-après : le TF).

A. voit un motif de récusation du procureur, estimant que ce dernier a érigé sa confession juive en composante du risque de fuite, ce qui constituerait un cas de récusation au sens de l'art. 56 let. f CPP.

Cette disposition a la portée d’une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus à l’art. 56 let. a à e CPP.

Le TF souligne qu'une appréciation différenciée de l'art. 56 let. f CPP peut s'imposer lorsqu'il s'agit des autorités de poursuite pénale, contrairement aux autres lettres a à e, qui s'appliquent de manière similaire à tous les membres de l'autorité judiciaire.
La jurisprudence admet que, durant l'instruction, le Ministère public peut adopter une attitude orientée envers le prévenu et exprimer ses convictions, tout en disposant d'une certaine liberté dans ses investigations.

La demande de récusation se justifie si des éléments objectifs suscitent des doutes sur l’impartialité, les erreurs isolées ou actes erronés ne suffisant pas, sauf en cas de fautes graves ou répétées.

Le TF constate que le Procureur a évoqué, dans son évaluation du risque de fuite du recourant, le droit au retour des personnes de religion israélite, sans fournir d'autres précisions quant aux convictions du recourant, dont on sait juste qu'il est de confession juive.

Le Procureur n'a pas non plus précisé les liens du recourant avec l’Etat d’Israël. Même en admettant que la loi du retour permette au recourant de se réfugier en Israël, il ne justifie pas de retenir que ce dernier, de nationalité suisse, présenterait un risque de fuite dans cet État, dont la seule attache semble être sa confession.
Ainsi, le Procureur donne l'apparence qu'il traite le recourant différemment parce qu'il est de confession juive, respectivement considère que ce dernier présente un risque de fuite en Israël seulement parce qu'il est de cette confession.

Rédigé par Me Maxime Guffon

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