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Quand la liberté d'expression prime face à la loi sur les armes

En 2019, une journaliste de la RTS a commandé sur internet un pistolet en dix-neuf pièces imprimées en 3D, et ce, sans disposer des autorisations nécessaires. Le but de sa démarche était de réaliser un reportage afin de sensibiliser le public aux dangers de telles armes et à la facilité de s’en procurer.

La journaliste a ensuite assemblé le pistolet au sein des locaux de la RTS, tout en s’assurant de ne pas insérer le percuteur afin de rendre l’arme inutilisable. Elle a par ailleurs ajouté une pièce métallique afin que l’arme soit détectable. Elle a par la suite voyagé en train, avec l’arme dans son sac, de Genève à Lausanne.

Après avoir réalisé le reportage en question, la journaliste a conservé l’arme, sous clé, dans les locaux sécurisés de la RTS.

La journaliste a ensuite été condamnée par le Tribunal de police du canton de Genève pour infraction à l’art. 33 al. 1 let. a de la loi sur les armes (LArm) pour avoir transporté le pistolet sans autorisation et l’avoir possédé postérieurement à ce transport. Elle a été acquittée pour le surplus. Aucune peine n’a toutefois été prononcée au vu des circonstances.

La Chambre pénale d’appel et de révision a, quant à elle, confirmé la condamnation relative au transport de l’arme, tout en l’assortissant d’une amende, et acquitté la journaliste pour la possession du pistolet.

La journaliste, notamment, a formé recours au Tribunal fédéral afin de solliciter son acquittement.

Après avoir confirmé que tous les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l’infraction étaient remplis, le Tribunal fédéral a examiné si la journaliste pouvait se prévaloir de la liberté d’expression - et plus spécifiquement de la liberté de la presse et des médias - selon l’art. 10 CEDH.

En l’occurrence, le Tribunal fédéral rappelle que les journalistes jouent un rôle essentiel au sein de la société, si bien que leur profession doit bénéficier d’une protection accrue. Si l’objectif de l’art. 33 LArm est de protéger la population contre la dangerosité des armes à feu, la mise en danger de la sécurité et de l’ordre public était, dans le cas de la journaliste, particulièrement abstraite, voire même insignifiante.

Ainsi, le Tribunal fédéral annule la condamnation de la journaliste dès lors que les actes lui étant reprochés sont justifiés par l’exercice de sa liberté d’expression.

Article rédigé par Me Pauline Schott

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