Protection du design : l'illustration d'une protection mise à mal par la divulgation anticipée
X International SA (« X SA »), active dans la production et la commercialisation d’articles de luxe, notamment de bijoux caractérisés par des pierres mobiles entre deux parois transparentes, a découvert en février 2005 que la société Y Bijoux SA (« Y SA ») vendait des bijoux semblables à un prix largement inférieur.
X SA, se considérant victime d’une violation de ses modèles enregistrés à l'OMPI en 1998 et 1999, a engagé une action judiciaire devant la Cour de justice de Genève.
Intervenant dans le procès, la joaillière des bijoux litigieux, Z Joaillerie Sàrl (« Z Sàrl ») a conclu à la constatation de la nullité des enregistrements litigieux en arguant un défaut de nouveauté et d'originalité, deux critères essentiels à la protection d’un design selon l’art. 2 al. 1 LDes.
La Cour genevoise, ayant constaté que X SA avait déjà divulgué son design dans un catalogue de 1996 avant de le protéger, a déclaré que les bijoux de X SA n’étaient ni nouveaux, ni originaux. La nullité du design enregistré était donc prononcée en première instance.
Insatisfaite, X SA a porté l'affaire devant le Tribunal fédéral.
Avec plus de subtilité, les juges fédéraux ont estimé que les bijoux de X SA présentaient effectivement des différences significatives par rapport à ceux figurant dans le catalogue de 1996 de X SA. Les bijoux étaient donc bien nouveaux au sens de la LDes.
Toutefois selon le Tribunal fédéral, l’originalité d’un design consiste en l’impression générale laissée au public cible, autrement dit, l’image qui subsiste à court terme dans la mémoire d’un potentiel acheteur. La Cour suprême a affirmé que l'originalité ne se mesure pas seulement par la quantité de détails divergents mais par l'impact visuel global des éléments distinctifs essentiels.
Dès lors, malgré les différences techniques soulignées par X SA, le TF a considéré les différences des nouveaux modèles secondaires par rapport à ceux divulgués dans le catalogue de 1996. Par conséquent, le design ne se distinguait pas suffisamment, sur le plan de l’impression générale, des modèles diffusés dans le catalogue de 1996.
Alors que X SA semblait initialement protégée par son enregistrement, c’est paradoxalement sa propre communication qui a joué contre elle.
Cet arrêt souligne l’importance d’adopter une stratégie juridique rigoureuse et confirme que, dans le secteur très concurrentiel et subtil du luxe, la protection juridique repose davantage sur une approche pragmatique que sur les subtilités techniques souvent imaginées.
Article rédigé par Me Victor Häusermann